Mon travail s’articule autour de la notion de marge, envisagée comme un espace à la fois physique et symbolique. Enfant, je dessinais dans les marges de mes cahiers : ces zones vides, laissées libres autour du texte, sont devenues pour moi des territoires de liberté et d’imagination. Aujourd’hui encore, je vois la marge comme un espace intermédiaire, un lieu d’invention où se croisent narration, matière et forme.
J’utilise des pages de vieux livres, pour leurs textures, leurs patines, leurs couleurs fanées, que je découpe ligne par ligne. Ces fragments deviennent des unités plastiques en lien étroit avec la peinture. Le texte, transformé en matière visuelle, ne disparaît pas entièrement : il conserve une charge sémantique qui vient dialoguer avec la peinture. Ensemble, texte et image tissent des correspondances, parfois lisibles, parfois ambiguës, ouvrant l’œuvre à plusieurs niveaux de lecture.. Il en résulte des œuvres narratives, souvent expérimentales, où cohabitent figuration et abstraction.
Mon processus de création emprunte autant à l’intuition qu’à la composition rigoureuse. Il s’inscrit dans une filiation avec des artistes comme Pierre Alechinsky, dont le travail avec Jean Dotremont sur les logogrammes a profondément nourri ma réflexion sur l’image-écriture. Je me reconnais aussi dans l’énergie visuelle d’Erró, dans les jeux d’illusions d’Escher, la minutie de la peinture hollandaise du XVIIe siècle, la richesse décorative de Klimt ou Mucha, ou encore l’expressivité brute du street art contemporain.
Mes œuvres se construisent comme des palimpsestes visuels où le texte devient image, où la marge devient centre, et où chaque composition propose une forme d’archéologie poétique du regard.